A tous les Bretons et Bretonnes de Coeur ou de Sang


Tri Yann - La Découverte ou l'Ignorance
La découverte ou l'ignorance

En 1976, le groupe Tri Yann publie la chanson La découverte ou l'ignorance (album éponyme). Le texte est issu du livre Comment peut-on être Breton ? de Morvan Lebesque (1970).
Voici l'extrait du livre :
« Le breton est-il ma langue maternelle ? Non : je suis né à Nantes où on ne le parle pas. Est-ce que je le parle ? Rarement, et pas assez bien pour l'écrire. Suis-je même breton ? Vraiment, je le crois et m'en expliquerai. Mais de « pure race », qu'en sais-je et qu'importe ?
Vous n'êtes donc pas raciste ?
Ne m'insultez pas.
Séparatiste ? Autonomiste ? Régionaliste ?
Tout cela, rien de cela. Au-delà.4
Mais alors, nous ne nous comprenons plus. Qu'appelez-vous breton ? Et d'abord, pourquoi l'être ?Question nullement absurde. Français d'état-civil, je suis nommé français, j'assume à chaque instant ma situation de Français ; mon appartenance à la Bretagne n'est en revanche qu'une qualité facultative que je puis parfaitement renier ou méconnaître. Je l'ai d'ailleurs fait. J'ai longtemps ignoré que j'étais breton. Je l'ai par moment oublié. Français sans problème, il me faut donc vivre la Bretagne en surplus ou, pour mieux dire, en conscience : si je perds cette conscience, la Bretagne cesse d'être en moi ; si tous les Bretons la perdent, elle cesse absolument d'être. La Bretagne n'a pas de papiers. Elle n'existe que dans la mesure où, à chaque génération, des hommes se reconnaissent bretons. À cette heure, des enfants naissent en Bretagne. Seront-ils bretons ? Nul ne le sait. À chacun, l'âge venu, la découverte ou l'ignorance.
Mais, par un juste retour des choses, cette identité qu'on nous dénie retrouve une rigueur qui manque aux cartes officielles. Expulsés du cadastre, nous retrouvons par force cette conscience en nous. Comment peut-on être breton ? On ne le peut pas. Et pourtant nous le sommes. Il nous faut donc perpétuellement nous interroger, a moins de vivre sans nous comprendre ; au fond de nous, nous découvrons cette différence surprenante ; nous l'analysons, nous en débattons ; elle devient une expérience (...) telle qu'à chaque génération, il se trouve toujours des Bretons pour la vivre et se la raconter entre eux. Et toujours, à quelques nuances près, ils en viennent au même récits : les rencontres passionnées, les premiers réflexes excessifs ou puérils, l'exaltation et le déchirement, puis le passage des sentiments à la raison, le long mûrissement de l'idée bretonne. Enfin, la conclusion : être breton signifie bien au-delà, servir de son mieux son temps et les hommes. Car cette conscience devient pour beaucoup d'entre nous engagement politique - et logiquement, engagement à gauche. Par le dépassement d'un sentiment breton primaire, elle s'élève à la politique générale et nous fournit une clef pour mieux la comprendre. Loin de retrancher, elle rassemble; elle signe des écrits ou des actes étrangers à la Bretagne, accordés au mouvement du monde. Nous lui donnons un nom, l'Emsav : réveil, résurrection. Définition d'une patrie, mais aussi de la démocratie, toutes deux inséparables.
Paradoxalement, sa mort civile atteste la Bretagne. Nous la pensons, donc elle est.»
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